Antoine de Saint Exupéry

« L’eau n’est pas nécessaire à la vie, elle est la vie » 

 

Introduction

 

22 mars : journée mondiale de l’eau

1/ État des lieux
• 3 personnes sur 10 n’ont pas accès à des services d’eau potable gérés de manière sûre et 6 personnes sur 10 n’ont pas accès à des installations sanitaires gérées de manière sûre.
• Au moins 892 millions de personnes continuent à pratiquer la défécation à l’air libre.
• Les femmes et les filles sont responsables de la collecte de l’eau dans 80% des ménages sans accès à l’eau sur place.
• Entre 1990 et 2015, la proportion de la population mondiale utilisant une source d’eau potable améliorée a augmenté de 76% à 90%
• La pénurie d’eau affecte plus de 40% de la population mondiale et devrait augmenter. Plus de 1,7 milliard de personnes vivent actuellement dans des bassins fluviaux où l’utilisation de l’eau est supérieure à la quantité disponible
• 2,4 milliards de personnes manquent d’installations sanitaires de base, telles que des toilettes ou de latrines
• Plus de 80% des eaux usées résultant des activités humaines sont déversées dans les rivières ou la mer sans aucune dépollution
• Chaque jour, 1 000 enfants meurent de maladies faciles à prévenir dues aux conditions d’assainissement et d’hygiène
• Environ 70% de toute l’eau prélevée dans les rivières, lacs et aquifères est utilisée pour l’irrigation
• Les inondations représentent 70% des décès liés à des catastrophes causées par des aléas naturels

L’eau est un élément de justice universelle pour la satisfaction des besoins de tous.

L’accès et la gestion des ressources en eau posent des défis cruciaux. En effet, même envisagée d’un point de vue global, l’eau n’est ni une ressource inépuisable, ni un bien à valeur économique nulle.

La majeure partie de l’eau disponible (pas loin de 98 %) ne peut être immédiatement consommée ou utilisée pour l’irrigation, ni même employée pour des usages industriels, soit en raison d’une teneur trop élevée en sel ou parce qu’elle se présente sous forme de glace.

De plus, la capacité des réservoirs d’eau à se reconstituer (notamment dans les nappes phréatiques) est loin d’équivaloir au rythme toujours croissant de leur exploitation.
Approche économique et droits de l’homme se rencontrent alors car le rattachement à d’autres droits de l’homme, la dignité et l’équité contribuent à la promotion du droit à l’eau.
L’interruption, le refus injustifié d’accès aux services d’eau, ou encore des hausses disproportionnées du prix de l’eau sont considérés comme des violations de ces droits et du droit à l’eau.
L’eau n’est pas une ressource naturellement répartie :
– inégalité quant à l’approvisionnement naturel ;
– variabilité des besoins, entre pays industrialisés ou en développement, ou entre secteurs urbains et ruraux ;
– changements climatiques posent des problèmes quant à la distribution et aux utilisations de l’eau.
L’eau doit être partagée entre toutes les Nations.

Les Nations Unies ont un rôle incitatif et les Etats doivent élaborer des textes législatifs permettant l’effectivité de l’accès à l’eau par tous.

Aujourd’hui, 40% de la population mondiale fait face à des pénuries d’eau : sécheresse, inondations.

Arrêtons la destruction des cours d’eau, arrêtons la corvée d’eau : mobilisons les solutions, les idées, l’innovations, les investissements dans les infrastructures, accroître les demandes de fonds pour permettre l’assainissement à l’eau

Le défi du changement climatique rend le défi de l’accès à l’eau potable encore plus crucial.
 L’accès à l’eau est devenu un enjeu tant économique que social et politique, tant au niveau national qu’à l’échelon international.
 L’accès à l’eau doit être humanisée même dans le cadre d’une approche économique de la gestion et de l’assainissement de l’eau.

2/ L’évolution du droit international : du droit international de l’eau au droit international de l’accès à l’eau en passant par la gestion environnementale de l’eau

Au cours du XXe siècle, le droit international fut progressivement appelé à appréhender des activités autres que la navigation.

Par exemple, la Convention relative à l’aménagement des forces hydrauliques intéressant plusieurs États de1923 ainsi que la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, adoptée en 1997, vinrent prendre en considération des activités économiques telles que la production d’énergie hydroélectrique et les utilisations industrielles et agricoles de l’eau.

Le prisme dominant de la réglementation internationale est donc celui des cours d’eaux transfrontières, et la nécessité de tenir compte des limites territoriales nationales en ce domaine demeure incontournable.
La souveraineté implique ainsi le recours à l’unilatéralisme dans la gestion de ressources telles que l’eau relevant à proprement parler d’un attribut territorial de l’Etat.
L’utilisation et la gestion des ressources en eau sont donc réglementées par le droit international de l’eau.

Cependant :

En raison de la rareté de l’eau douce, c’est à partir des années soixante-dix que ce corpus de règles internationales commença à prendre en compte la protection environnementale de cette ressource naturelle.

 L’intégration de la dimension environnementale dans la gestion des ressources en eau a pris son essor lors de la conférence de Stockholm de 1972 (« Déclaration finale de la conférence des Nations unies).

 La gestion environnementale de l’eau s’est accompagnée d’une commercialisation accrue de l’eau : l’eau est devenue une valeur économique pour laquelle il convient d’assurer une gestion durable, au nom du développement durable.

3/ Le droit d’accès à l’eau peut-il exister ?

Qu’est-ce que le droit d’accès à l’eau ?

 Le droit à l’eau peut se définir comme l’ensemble des règles qui déterminent le régime juridique des eaux, les droits auxquels les particuliers peuvent avoir accès et les moyens qu’il convient de mettre en œuvre pour protéger la ressource hydraulique
(J.-L. Gazzaniga, X. Larrouy-Castéra, P. Marc et J.-P. Ourliac, Le droit de l’eau, Litec, 2011, p. 5).

 Le droit d’accès à l’eau, c’est le droit d’accès à des services fiables d’assainissement en eau potable à un prix abordable : doit être érigé en droit fondamental.

 Pour la reconnaissance d’un droit individuel de l’homme à l’eau potable : pour un accès universel à l’eau potable

J’aborderai les idées suivantes :

1/ les textes qui ont contribué à l’émergence d’un droit à l’accès à l’eau en tant que droit de l’homme

2/ Est-ce un droit fondamental, sacré, indérogeable ?

3/ Est-ce un droit à vocation économique ou un droit de l’homme ? existe-t-il une antinomie ou une conciliation ?

4/ Quel est le statut de l’eau en tant que ressource naturelle ? : bien privé, bien commun patrimoine de l’humanité ou bien public ? Il est très important de se poser cette question car son statut conditionne son accès.

IV. PROBLÉMATIQUE

Dans la logique du droit économique, ne doit-on pas opérer une conciliation entre la gestion privée de l’eau et la protection de l’accès à l’eau mais aussi entre la gestion privée de l’eau et la protection de l’environnement (l’eau est une ressource naturelle exploitée d’où la question de la protection de l’environnement) ?

De cette réflexion va découler la question de savoir si le droit d’accès à l’eau peut trouver une application effective et concrète et devenir un droit contraignant, sanctionné autonome ou rattaché à d’autres droits fondamentaux.

Toute la difficulté est de trouver un équilibre entre les différentes approches de l’eau : approches économique, sociale, environnementale de la gestion de l’eau.

L’eau : un bien ou un service ?

Qu’en est-il de l’eau dans le commerce international ?
Peut-il exister un droit fondamental de l’homme à l’accès à l’eau potable si les États bénéficient d’une trop large marge d’appréciation ?

En interne : comment les Etats assurent-ils, au sein de leurs frontières, la gestion de l’eau pour un accès équitable et égal ?

Comment les Etats gèrent-ils les transferts de l’eau ? Ces transferts existe-t-ils. Les règles de l’OMC sont-elles applicables ?
Autrement dit, l’eau est-elle entrée dans le champ du commerce international ? accès à l’eau et OMC

La valeur économique de l’eau, la conciliation de l’accès pour tous à l’eau (intérêt non économique) avec les intérêts économiques des Etats ou d’acteurs privés peut être quand même permettre l’application concrète du droit international de l’accès à l’eau dans un contexte où sa reconnaissance textuelle ne fait aucun doute.

 

Conférence droit eau

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Maître Zakine est docteur en droit, conférencière et intervient dans le droit de l’environement

Elle consulte et travaille sur toute la France.

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I. Les enjeux posés par la question de l’eau

L’accès à l’eau est aussi un objectif du développement durable : conciliation intérêts économiques (A), environnementaux (B) et humains.

A. Peut-on accorder un statut à l’eau ?

1. L’eau : bien commun / patrimoine commun : au service de l’intérêt général

Les qualifications économiques de l’eau furent accompagnées par l’émergence de qualifications non économiques, telles que « bien public », « droit humain » et « patrimoine commun de l’humanité ».

Quel est donc le statut de l’eau ?
N’existe-il qu’un seul statut ?
La coexistence de plusieurs statuts accordés à l’eau est-elle possible ou impossible ?
Et la coexistence d’un statut de l’homme en tant que bien patrimoine commun de l’humanité, un res nullius, est-il incompatible avec la notion de bien économique que l’on pourrait attribuer à l’eau ? (cette question sera étudiée dans le II B).

 

 

L’EAU POTABLE, UN ÉLÉMENT DU PATRIMOINE COMMUN DE L’HUMANITÉ

Les pauvres et les indigents cherchent de l’eau, et il n’y en a point. Leur langue est desséchée par la soif. Moi, le Dieu d’Israël, je ne les abandonnerai pas. Je ferai jaillir des fleuves sur les collines, et des sources au milieu des vallées. Esaïe, 41, 17-18.
Avec deux livres publiés par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 1999 et 2003, le débat sur le concept de bien public a pris une toute nouvelle dimension, avec la notion de « biens publics globaux ».

En reprenant la définition classique de Samuelson (économiste du 20ème siècle), est défini comme public et global un bien dont l’exploitation est bénéfique pour tous et qui est « non-excludable » et « non-rivalrous » dans son utilisation.

Non-exclusif signifie qu’il est coûteux ou impossible pour un utilisateur d’empêcher les autres d’utiliser un bien. La non-rivalité signifie que lorsqu’une personne utilise un bien, elle n’empêche pas les autres de l’utiliser.

D’un point de vue juridique, la notion de bien public et global se fonde sur la notion de biens communs et sur l’existence d’intérêts collectifs dans la communauté internationale.

Les biens communs sont nécessaires à l’usage de tous, puisqu’ils visent à satisfaire des besoins jugés essentiels par la collectivité : l’accès à l’eau.

La notion de « patrimoine commun de l’humanité » en droit international vise à aller au-delà du principe de la souveraineté étatique pour affirmer les intérêts communs de la communauté internationale.

Les États ont utilisé cette qualification pour des ressources situées en dehors de leur juridiction.

Lorsque les ressources en cause se trouvent au-delà des limites de la juridiction nationale, on le qualifie parfois de “patrimoine commun de l’humanité” (cours d’eau).

*La qualification de l’eau comme patrimoine commun de l’humanité est acceptée dans quelques cadres juridiques particuliers :

– la Charte européenne des ressources en eau, adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 17 octobre 2001 pour remplacer la Charte européenne de l’eau de 1968, affirme que l’eau est un patrimoine commun.

La Charte européenne de l’eau est le premier texte de Droit international de l’environnement à avoir posé le principe :

« L’eau n’a pas de frontière, les ressources en eau ne sont pas inépuisables ; lorsque l’eau après utilisation, est rendue dans un milieu naturel, elle ne doit pas en compromettre les usages ultérieurs ; la gestion des ressources en eau devrait s’inscrire dans le cadre des bassins naturels plutôt que dans celui des frontières administratives et politiques ; cette gestion nécessite une coopération internationale

Chaque génération humaine détient les ressources de la terre pour les générations futures et a la mission de faire en sorte que ce legs soit préservé et que, lorsqu’il en est fait usage, cet usage soit fait avec prudence. »

– La Charte de l’eau de la région lémanique, adoptée lors des États généraux de l’eau de la région lémanique en 2005, qualifie également l’eau de bien commun de l’humanité.

 Ainsi, la notion de bien public et global est liée au droit humain à l’eau.

*En tant que discipline juridique écrite, le Droit international de l’environnement est le premier texte qui a considéré l’eau comme un élément du patrimoine commun de l’humanité :

L’environnement est dans un premier temps protégé non seulement pour son caractère sacré, mais aussi dans l’intérêt de l’humanité.

L’humanité renvoie ici aux générations passées, présentes et à venir.

D’après le Préambule de la Charte mondiale de la nature de 1982, « l’humanité fait partie de la nature et la vie dépend du fonctionnement ininterrompu des systèmes naturels qui sont la source d’énergie et de matière premières ».

Le Droit international a également facilité l’accès à l’eau potable en adoptant la Convention cadre de lutte contre les changements climatiques.

« Il incombe aux parties de préserver le système climatique dans l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs responsabilités communes mais différenciés et de leurs capacités respectives » article 3 alinéa 1.

Certaines conventions bilatérales étaient déjà venues limiter cette appropriation unilatérale de l’eau au cours du XXème siècle. Prônant un usage simultané, solidaire et responsable de l’eau, elles sont à l’origine d’une certaine « communauté d’intérêt » interdisant par exemple la construction de nouvelles infrastructures modifiant les approvisionnements des pays riverains.

La convention sur les eaux de Rio Grande (En 1906, les États-Unis acceptèrent une convention sur les eaux du Rio Grande coulant vers le Mexique organisant une « équitable distribution » entre les deux États) et la convention de New-York sur les utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation le démontrent parfaitement (La Convention sur le droit relatif à l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 21 mai 1997).

En France : le législateur environnemental est venu préciser à plusieurs reprises que le droit de l’usage de l’eau n’est plus un droit individuel absolu, à travers notamment la loi dite « pêche » de 1984 et plus encore avec la loi sur l’eau de 1992 dont l’article 1er intègre la ressource hydrique parmi le patrimoine commun de la Nation.

2. L’eau : bien public : également au service de l’intérêt général

L’Observation générale n°15 du Comité des droits économiques sociaux et culturels du 29 novembre 2002 sur le droit à l’eau débute en affirmant que l’eau est un « bien public » :

« L’eau est une ressource naturelle limitée et un bien public ; elle est essentielle à la vie et à la santé. Le droit à l’eau est indispensable pour mener une vie digne. Il est une condition préalable ‡ la réalisation des autres droits de l’homme. Le Comité ne cesse de constater que l’exercice du droit à l’eau est largement dénié tant dans les pays en développement que dans les pays développés. Plus d’un milliard de personnes ne bénéficient pas d’un approvisionnement élémentaire en eau, et plusieurs milliards de personnes n’ont pas accès à un assainissement adéquat, ce qui est la première cause de pollution de l’eau et de transmission de maladies d’origine hydrique »

L’Observation n°15 a voulu souligner le lien entre le droit humain à l’eau et le caractère public de cette ressource.

L’eau s’apparente à une chose commune, un bien commun global (res communis) qui, par sa nature, ne peut se voir approprié.
Dans ce cadre, l’eau devient accessible et utilisable par tous.
Ne peuvent donc exister que des droits d’usagers que le autorités peuvent toutefois réglementer :
Article 714 du Code civil français précise : « Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous. Des lois de police règlent la manière d’en jouir ».

Le concept de bien public a été systématisé par l’économiste Samuelson au cours des années cinquante, bien que cette notion puise ses origines historiques dans la pensée des auteurs du XVIIIe siècle, tel Adam Smith qui entendait démontrer la supériorité, pour le bien public, du  » système de la liberté naturelle  » sur le  » système mercantile « .

La notion de bien public n’a pas de signification juridique propre en droit international ; elle dépend du droit national.

Selon la définition du Dictionnaire de droit international public, « Le bien public est un bien appartenant à l’État ».

L’appartenance de l’eau en tant que bien public à l’État est définie par référence au droit interne de l’État.

La référence au droit étatique interne s’explique par le fait que « le droit international coutumier n’a pas établi de critère autonome permettant de déterminer quels sont les biens de l’État.

Ainsi les notions de bien et de service public doivent-elle être analysées au regard du droit interne.

Dans le domaine de l’eau, les services de captage, de distribution et de purification ont traditionnellement été publics.

D’ailleurs, le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d’eau et lacs appartenant à l’État.

L’existence d’un intérêt collectif, d’un intérêt général à la base d’un service est souvent l’élément qui attribue le caractère « public » à ce service : le service lié à l’eau devient alors un service public accessible à tous, caractérisés par la gratuité et le principe de non-discrimination.

L’organisation de la distribution de l’eau potable, de la collecte et du traitement des eaux usées et pluviales relève des communes. La compétence eau et assainissement des communes est un service public industriel et commercial : en régie ou par délégation à un SPIC (un opérateur privé)

L’eau est donc un bien public accessible à tous gérer par l’Etat au titre d’un service public.

3. L’eau en tant que service public ?

L’eau ne devrait faire l’objet que d’une appropriation collective (l’eau appartient à la collectivité qui la répartit entre les différents usagers) ou individuelle (chaque propriétaire peut utiliser librement et gratuitement l’eau de surface traversant son terrain ou jaillissant sur son terrain ainsi que l’eau souterraine située sous son terrain).
Une appropriation d’une ressource hydrique peut donc se concevoir mais sous la forme de nombreuses limites fixées par la loi ou même la jurisprudence.
L’idée d’une propriété privée sur une eau brute a même été reconnue par la Cour européenne des droits de l’Homme.
Dans un arrêt célèbre, elle a estimé que les propriétaires d’un fonds subissent un préjudice moral pour une atteinte à leur droit de jouir de l’eau de leur puits comme boisson : « élément de leur droit de propriétaires du terrain (Cour européenne des droits de l’Homme, Arrêt Zander c. Suède, 25 novembre 1993, Requête n° 14282/88, § 27.)
Exemples : au Mexique comme au Canada, il existe un fort sentiment que l’eau est la propriété de la nation. En Bolivie, le transfert de la ressource d’eau utilisée par les Indiens Quechuas à une entreprise privée de Cochabamba a dû être annulé à la suite d’une révolte en avril 2000 (Courrier de l’Unesco, déc. 2000).
L’appropriation privée de l’eau, ressource commune, n’est pas admissible.
Le corps social ou la religion s’oppose souvent à la vente de la matière première “eau” considérée comme un don du ciel.
Certaines sociétés rejettent l’idée que la distribution d’eau puisse être source de profits et sont hostiles à toute forme d’enrichissement liée aux services de l’eau.
Elles estiment que les investisseurs ou gestionnaires ne peuvent faire des profits excessifs sur le dos des usagers de l’eau.
En droit de la common law, il existe une ancienne doctrine de la nécessité fondamentale selon laquelle un monopole fournissant un service essentiel ne peut pas faire payer plus que le prix juste (“fair”) et raisonnable (Royaume-Uni, États-Unis, Canada, Nouvelle Zélande, etc.).
La “marchandisation” de l’eau et la caractérisation de l’eau en tant que bien économique, de nature privée, aboutit généralement à répartir la ressource eau entre les usages les plus rentables.
La marchandisation de l’eau va à l’encontre de l’accès à l’eau de tous surtout qui ceux qui ne peuvent la payer.
La vente de droits d’eau ne peut se concevoir qu’après avoir satisfait les besoins élémentaires.
La logique marchande ne doit pas imprégnée l’eau.

 Il doit s’agir d’une logique de bien public et de service public mais en aucun cas d’une logique qui mènerait à la marchandisation de l’eau.

4. L’eau, bien privé : vers la marchandisation de l’eau ?

En mettant l’accent sur la valeur économique de l’eau, il a été mis en relief la question d’attribuer un prix à l’eau, considéré comme une solution pour éviter son gaspillage.

Ainsi, pour certains, la « marchandisation » de l’eau serait nécessaire pour répondre à la pénurie d’eau et à la croissance de la demande.

 Accès à l’eau, droit de l’Homme et loi du marché peuvent-il donc s’articuler harmonieusement ?

 Peut-il exister une conciliation intérêt général et intérêts privés (économiques)

• Le Protocole sur l’eau et la santé (1999) à la Convention d’Helsinky de 1992 adopté sous les auspices de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe :

« L’eau a une valeur sociale, une valeur économique et une valeur environnementale et il faudrait donc la gérer de manière à combiner le plus durablement et de la façon la plus acceptable possible ces différentes valeurs. »

• Le lancement, en mars 2017, de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable » 2018-2028 aidera la communauté internationale à progresser vers l’accès de tous à l’eau :

Une ressource naturelle au service de la vie (droit de l’homme) devant être gérée correctement (objectif intrinsèque du développement durable) et prenant en compte les intérêts économiques de certains acteurs économiques et de l’Etat.

 L’eau est-elle un bien susceptible d’appropriation et par conséquent, de marchandisation ?

« la notion de marchandise se rapporte à une « chose mobilière pouvant faire l’objet d’un commerce, d’un marché » : l’eau en bouteille.

• Le régime juridique du commerce international n’accorde pas un statut spécifique à l’eau, mais de nouvelles tendances concourent toutefois à la soumettre aux règles du commerce international.

Depuis les années quatre-vingt-dix, il existe en droit international une tendance visant à reconnaître explicitement la valeur économique de l’eau, et plusieurs instruments juridiques mettent l’accent sur une approche exclusiviste de sa qualification en tant que bien économique.

Ainsi, le principe 4 de la Déclaration de Dublin sur l’eau dans la perspective d’un développement durable de janvier 1992 affirme-t-elle que « l’eau, utilisée à des multiples fins, a une valeur économique et devrait donc être reconnue comme bien économique ».

Projets de transfert d’eau à grande échelle : l’eau pourrait être considérée comme une marchandise par les États.

LA QUESTION DES TRANSFERTS DE L’EAU EN VRAC

Les transferts internationaux d’eau en vrac peuvent être décrits comme des prélèvements massifs d’eau réalisés par un État, dont le contenu est transféré à un autre par le biais d’une dérivation par canal ou par pipeline.

Dans les dernières décennies, des projets de transfert d’eau en vrac par voie maritime sont venus s’ajouter à ces projets d’ingénierie hydraulique. Ces transferts internationaux peuvent être réalisés par différents acteurs, étatiques ou non : traités interétatiques ou contrats internationaux qui impliquent des compagnies privées.

L’eau a désormais un prix.

Concernant l’application de l’ALÉNA à l’eau, ces trois gouvernements ont décrété ce qui suit en 1993 : L’ALÉNA ne crée aucun droit aux ressources en eau naturelle de l’une ou l’autre Partie. […] L’eau qui se trouve à l’état naturel dans les lacs, les rivières, les réservoirs, les aquifères, les bassins hydrographiques, etc. n’est ni une marchandise ni un produit, ne se vend pas dans le commerce et, par conséquent, n’est pas et n’a jamais été visée par les conditions d’un accord commercial quel qu’il soit.
(Déclaration des gouvernements du Canada, des États-Unis et du Mexique sur les ressources en eau et l’ALÉNA, 1993)

Si l’eau est considérée comme telle, les accords multilatéraux de l’OMC, notamment l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), qui régit les marchandises, ainsi que l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), qui régit les services, seraient donc applicables.

Nous examinerons les limitations imposées par ces deux accords en matière de gestion de l’eau.
L’existence de transferts monnayés de l’eau en vrac entre les Etats renforce la logique d’une eau-marchandise.
Des échanges sont d’ores et déjà réalisés sous la forme de traités interétatiques ou au moyen de contrats internationaux pouvant englober des compagnies pri- vées, tout ceci sur fond d’attribution d’un prix à l’eau.
Par ailleurs, il existe une porte d’entrée spécifique pour l’inclusion de l’eau dans le régime commercial de l’OMC, celle des « biens et services environnementaux » : des membres ont proposé l’inclusion, dans ces derniers, des services de l’eau.
Certains Etats ont rappelé le droit de sauvegarder leurs objectifs de politique publique (service universel, qualité du service).
Et le préambule de l’AGCS prévoit d’ailleurs « le droit des membres de réglementer la fourniture de services sur leur territoire et d’introduire de nouvelles réglementations à cet égard afin de répondre à des objectifs de politique nationale ».
 La marge de maneouvre laissée aux États va leur permettre de signer des contrats internationaux de transfert d’eau en vrac.

 Pourtant, certains s’y refusent :
C’est ainsi, par exemple, que la directive-cadre de 2000 affirme que l’eau « n’est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel».
En 2008, le Parlement européen a déclaré que «l’eau est indispensable à la vie et représente un bien commun qui ne devrait pas être réduit à une simple marchandise ».
La convention de Dublin de 1992 sur l’eau dans la perspective du développement durable prescrit une approche similaire : parce que l’eau a une « valeur économique », elle devrait être « reconnue en tant que bien économique » ; mais il est aussi « primordial », poursuit le texte, de « reconnaître le droit fondamental de l’homme à une eau salubre et une hygiène adéquate ».
 En définitive, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (Rio, 1992) permet aux États et aux organisations internationales ou régionales d’en faire une marchandise : « la gestion intégrée des ressources en eau est fondée sur l’idée que l’eau constitue une ressource naturelle et un bien social et économique ».

 La crise actuelle liée au changement climatique va certainement accélérer ce processus

B. La gestion de l’eau et l’environnement

La valorisation des ressources naturelles : un moyen efficace d’accès à l’eau potable

Conciliation entre la gestion de cette ressource naturelle et la protection de l’environnement : conciliation gestion économique au nom de l’intérêt général et protection de l’environnement

Il faut une gestion responsable et durable de l’eau et du traitement des eaux usées.

La directive 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) est un outil juridique pertinent pour garantir la qualité de l’EDCH au sein de l’Union européenne. L’objectif de cette directive, fixé dans son article 1er, est de « protéger la santé des personnes des effets néfastes de la contamination des EDCH en garantissant la salubrité et la propreté de celles-ci ».

Nouvelle directive eau potable publiée le 23 décembre 2020 :

– l’amélioration de l’accès à l’eau pour tous (article 16 de la directive eau potable)
Directive fondée sur l’article 192 alinéa 1er TFUE qui encadre le vote de la gestion de la ressource hydraulique, disposition qui renvoie à l’article 191 TFUE :
« 1. La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants :
– la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement,
– la protection de la santé des personnes,
– l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles »

II. De la reconnaissance d’un droit de l’homme à son application concrète

Question préalable : l’eau droit d’accès à l’eau : un droit naturel ?
1/ Le droit naturel est indépendant du droit positif en vigueur qui, selon les théoriciens du positivisme juridique, serait l’unique norme à respecter.
Les partisans du droit naturel considèrent que celui-ci regrouperait des principes immuables découverts par la raison, fondés sur la nature de l’être humain et non sur la réalité sociale de son temps.
En ce sens le droit naturel ne serait donc pas forcément opposable car il peut arriver qu’une société ne les ai pas encadrés.
Ce terme d’opposabilité renvoie à des droits dont un individu peut se prévaloir vis-à-vis du pouvoir : on reviendra sur la notion de droit-créance dans le II B.
Il est ainsi possible d’imaginer un droit à l’eau et à l’assainissement comme un droit naturel il s’agit irréfutablement d’une chose commune à tout le monde, fondé sur la nature de l’être humain, lequel ne peut subsister sans eau.

A. L’émergence et la reconnaissance d’un droit à ….. est-elle suffisante ?

1. Les différents cadres conventionnels et légaux

Le droit à l’eau et le droit à l’assainissement sont des droits humains fondamen-taux, reconnus implicitement ou explicitement dans plusieurs traités internatio-naux et régionaux et dans le droit interne de certains États.

1.1. Le cadre européen

La directive 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) est un outil juridique pertinent pour garantir la qualité de l’EDCH au sein de l’Union européenne.

L’objectif de cette directive, fixé dans son article 1er, est de « protéger la santé des personnes des effets néfastes de la contamination des EDCH en garantissant la salubrité et la propreté de celles-ci ».

Nouvelle directive eau potable a été publiée le 23 décembre 2020 au Journal officiel de l’Union européenne : l’amélioration de l’accès à l’eau pour tous (article 16 de la directive eau potable)

La directive consacre également la question de l’accès à l’eau pour tous, en réponse à l’initiative citoyenne européenne, en donnant aux Etats membres des obligations pour mettre en place des mesures, notamment en identifiant les personnes n’ayant pas accès à l’eau potable et les solutions alternatives à leurs dispositions, et en favorisant l’utilisation d’eau potable dans les lieux publics.

Mais en tenant compte de la conciliation nécessaire entre l’accès à l’eau

Les acteurs du droit international d’accès à l’eau :
États
ONG

1.2. Le cadre international

ONU : rôle d’incitation normative : rôle prépondérant joué par les Nations Unies
L’Assemblée générale de l’ONU a reconnu le 28 juillet 2010 par la résolution n° 64/292 l’accès à une eau de qualité et à des installations sanitaires comme un droit humain :

« Reconnaît que le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ».

Le droit international d’accès à l’eau est issu du droit à la vie de même qu’il est indispensable à la vie.
Il repose donc sur ce droit indérogeable et sacré de même qu’il contribue à son application effective et à l’application et l’exercice d’autres droits tels que le droit à la santé.

Mais fut la reconnaissance de ce droit déjà intégré à d’autres droits :

– Le comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) s’était déjà en 2002 clairement exprimé sur cette question ;

– Les résolutions du Conseil des droits de l’homme sur les droits de l’homme et l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, notamment ses résolutions 7/22 du 28 mars 2008 et 12/8 du 1er octobre 2009, relatives au droit à l’eau potable et à l’assainissement,

– l’observation générale nº 15 (2002) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur le droit à l’eau (articles 11 sur le droit à un niveau de vie suffisant et 12 sur le droit à la santé du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels),

– le rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la portée et la teneur des obligations pertinentes en rapport avec les droits de l’homme qui concernent l’accès équitable à l’eau potable et à l’assainissement, contractées au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ainsi que le rapport de l’experte indépendante chargée d’examiner la question des obligations en rapport avec les droits de l’homme qui concernent l’accès à l’eau potable et à l’assainissement ;

Depuis 1977, le droit à l’eau a été proclamé dans plusieurs déclarations intergouvernementales.

En particulier, la Déclaration de Dublin (1992) considère comme « primordial de reconnaître le droit fondamental de l’homme à une eau salubre et une hygiène adéquate pour un prix abordable. »

La Déclaration ministérielle de La Haye sur la sécurité de l’eau au 21ème siècle s’est fixé l’objectif :

« l’accès de tous à suffisamment d’eau potable à un prix raisonnable pour mener une vie saine et productive ».

Elle reconnaît que l’accès à l’eau et à l’assainissement sont des « besoins humains de base essentiels à la santé et au bien-être ».

Les Ministres ont aussi décidé de tenir compte “des besoins fondamentaux des pauvres et des plus défavorisés”. Bien que le mot droit n’apparaisse pas dans le texte adopté, il va de soi que les gouvernements ont la responsabilité de veiller à satisfaire les besoins de base “essentiels”. Corrélativement, chaque personne a droit à obtenir cette satisfaction pour une quantité limitée d’eau.

– Droit à la vie

– Droit à la dignité humaine

– Le droit à l’hygiène

– La lutte contre la pauvreté

– Droit à la participation et à l’information : convention d’Aarus : Le droit à l’eau inclut des questions de participation du public et d’accès à l’information. Les particuliers doivent pouvoir participer au processus de prise de décision et avoir accès, en toute égalité, aux informations dont les autorités publiques ou les tiers disposent concernant l’eau, les services d’approvisionnement en eau et la protection de l’environnement.

– La lutte contre les crises sanitaires

La première reconnaissance explicite du droit à l’eau au niveau international a eu lieu à la Conférence des Nations Unies sur l’eau, qui s’est tenue à Mar del Plata en 1977. Au cours de cette conférence, les États ont déclaré que « tous les peuples, quels que soient leur stade de développement et leur situation économique et so¬ciale, ont le droit d’avoir accès à une eau potable dont la quantité et la qualité soient égales à leurs besoins essentiels. »

La résolution des Nations Unies cite de nombreux textes :

– Déclaration universelle des droits de l’homme : article 25

– Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

– Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui consacre le droit à la vie,

– La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

– Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Rio de Janeiro 3-14 juin 1992,

– Rapport de la Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II), Istanbul, 3-14 juin 1996

– Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, Mar del Plata, 14-25 mars 1977

– Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Rio de Janeiro,

– La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : les États parties doivent assurer aux femmes vivant en milieu rural le droit de « bénéficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l’assainissement, l’approvisionnement en électricité et en eau » (article 14, § 2)

– La Convention relative aux droits de l’enfant : les États parties doivent lutter contre la maladie et la malnutrition grâce « à la fourniture d’aliments nutritifs et d’eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu na­turel » (article 24, § 2).

– La Convention relative aux droits des personnes handicapées

– La Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949

– Dans le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes, les États se sont engagés à assurer l’accès à l’eau potable des femmes (article 15) et à réglementer la gestion, la transformation, le stockage et l’élimination des déchets domestiques (article 18). Dans la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, ils se sont engagés à prendre les mesures nécessaires pour assurer la fourniture d’eau potable aux en­fants (article 14, paragraphe 2).

Depuis lors, le droit à l’eau existe selon la définition suivante : « le droit à l’eau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable pour les usages personnels et domestiques de chacun ».

En 2002, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CODESC), qui surveille l’application du PIDESC, a adopté l’Observation générale n°15, dans laquelle il a défini le droit à l’eau et les obligations corrélatives des États.

Dans l’Observation générale n°15, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a commencé par reconnaître que le droit à l’eau était un droit humain fondamental protégé par le Pacte.

Pour le Comité, « le droit à l’eau est indispensable pour mener une vie digne. Il est une condition préalable à la réalisation des autres droits de l’homme. Il est une condition préalable à la réalisation des autres droits de l’homme ».

En 2002, à la veille de l’année internationale de l’eau douce, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CODESC), qui surveille l’application du PIDESC, a adopté l’Observation générale n°15, dans laquelle il a défini le droit à l’eau et les obligations corrélatives des États.

Le Comité a ensuite donné la définition du droit à l’eau qui fait aujourd’hui autorité en droit international : le droit à l’eau est « le droit à un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun ».

Le Comité a également souligné l’importance de l’accès à l’assainissement, en indi­quant que « garantir l’accès à un assainissement adéquat est non seulement fonda­mental pour le respect de la dignité humaine et de la vie privée, mais constitue aussi un des principaux moyens de protéger la qualité de l’approvisionnement et des ressources en eau potable ».

Action internationale des agences de l’eau qui promeuvent l’accès à l’eau potable et l’assainissement de l’eau.

Néanmoins :

Dans cette observation générale, le Comité n’a cependant pas précisé que le droit à l’assainissement était un droit autonome.

La Cour internationale de justice reprendra à son tour cette idée de « communauté d’intérêt » dans sa propre jurisprudence (l’affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni c/ Albanie) du 9 avril 1949), laissant de prime à bord penser que l’émergence d’une certaine forme de solidarité interétatique limitant les velléités souverainistes sur la ressource en eau faciliterait son accès pour les personnes.

L’étude casuistique de ces arrêts établit toutefois que la CIJ n’accorde aucune autonomie réelle au droit à l’eau. Elle se contente de la rapprocher du droit de l’homme à l’environnement ainsi qu’à l’universalité des droits de l’homme.

Faisant simplement allusion aux besoins humains, ces textes ne font naître aucune obligation pour les Etats signataires, ni n’ouvrent de droit subjectif au bénéfice des individus (les articles 10§§1 et 2 de la Convention dite de New-York sur l’utilisation des cours d’eau internationaux.)

Le lancement, en mars 2017, de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable » 2018-2028 aidera la communauté internationale à progresser vers l’accès de tous à l’eau.

Programme développement durable à l’horizon 2030

Droit autonome ou droit rattaché à d’autres droits fondamentaux ?

***

Question cruciale qui découlent de ce panel de textes : le droit international d’accès à l’eau est-il un droit autonome non obligatoirement rattachable à d’autres droits de l’homme pour être reconnu ?

L’ériger en droit autonome aurait-il une incidence sur l’application concrète de ce droit de l’homme ?

Car si nous nous posons la question de savoir si le droit international d’accès à l’eau existe, ce n’est pas pour seulement répondre à la question de savoir si des textes l’encadrent et viennent énoncer ce droit, c’est surtout pour savoir si ce droit international d’accès à l’eau pourra trouver s’appliquer effectivement et concrètement dans le monde.

 

B. Pour une application concrète d’un droit autonome

Programme d’action, objectifs….

Mais un objectif ne vaut rien si on ne la tient pas.

La coexistence et l’interdépendance des droits de l’homme qui a permis l’émergence d’un droit de l’homme d’accès à l’eau est-elle exclusive de la reconnaissance d’un droit international d’accès à l’eau autonome ?

 L’émergence d’un droit international d’accès à l’eau dépend de l’application concrète et effective par chaque État de ce droit, dans le cadre d’une gouvernance démocratique.

QUESTIONS :

Référence à la partie I A) 4° :

L’accès à l’eau est-il un droit de l’homme soumis à la Loi du marché ?

Le droit international à l’eau ne va-t-il pas affecter les intérêts du marché de l’eau ?

Cette soumission à la loi du marché vient-elle nécessaire compromettre l’application concrète du droit international d’accès à l’eau ?

Et si une conciliation entre la nécessité du droit d’accès à l’eau induite par le droit à la vie, le droit à la dignité de la personne humaine, l’interdiction des traitements inhumains et dégradants pouvait venir se concilier avec la loi du marché ?

L’eau doit-elle rester en dehors de la logique du marché ?

Autrement dit, et s’il était possible de concilier des intérêts économiques et non économiques ?

 

Des mesures concrètes :

L’obligation de respecter le droit à l’eau implique que les États ne doivent pas interférer dans l’exercice du droit à l’eau : obligation négative

Les États ont par exemple l’interdiction d’interrompre le service de l’eau, de distribuer de l’eau insalubre, ou d’augmenter de façon disproportionnée ou discriminatoire le prix de l’eau gérée publiquement : obligation positive et négative à la fois

Obligations positives :

L’obligation de protéger le droit à l’eau implique que les États doivent empêcher les tierces parties plus puissantes, comme les entreprises transnationales, d’interférer dans l’exercice du droit à l’eau.

Les États devront par exemple surveiller la qualité de l’eau, protéger les plus vulnérables contre la pollution de l’eau par des pollutions industrielles, ou contre l’augmentation du prix de l’eau distribué par une entreprise privée.

L’obligation de donner effet au droit à l’eau implique que les États prennent des mesures positives pour faciliter le droit à l’eau de leur population et distribuer de l’eau notamment en cas de sécheresse.

L’interdiction de la discrimination :

L’obligation de garantir que le droit à l’eau sera exercé sans discrimination et de manière égale entre les hommes et les femmes implique que les États doivent lutter contre les discriminations de jure et de facto dans l’accès à l’eau.

Les États devront par exemple mettre en place des politiques pour garantir un accès égal à l’eau pour les femmes et les enfants discriminés, les personnes vivant dans les zones rurales éloignées, pour les réfugiés, les demandeurs d’asile etc…

Obligations territoriales :

Le droit à l’eau, comme les autres droits de l’homme, implique également des obligations extraterritoriales pour les États. Pour le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, les États doivent respecter l’exercice du droit à l’eau dans les autres pays ; ils doivent prendre des mesures pour empêcher leurs propres ressortissants ou des compagnies qui relèvent de leur juridiction, de violer le droit à l’eau de particuliers.

LA CONCILIATION N’EST-ELLE POSSIBLE QUE SI L’EAU DEMEURE UN BIEN COMMUN OU UN BIEN PUBLIC ?

L’impossibilité de faire de l’eau un bien privé

Qu’en est-il si l’eau obtient le statut de bien privé ? Autrement dit, qu’en est-il si l’eau reste entre les mains des acteurs privés ? Le droit international d’accès à l’eau pourra-t-il trouver une application concrète et effective ?

Il se produirait un passage de l’eau en tant que res nullius (chose sans maître) à celui de bien privé, objet d’appropriation.

Si c’est le cas, le droit international d’accès à l’eau ne pourra jamais être réalisable concrètement.

Il demeurera au stade de la reconnaissance et de l’inclusion dans les textes.

Il convient de lutter contre la marchandisation de ce bien commun.

Question déjà évoquée :

OMC et ALENA : Savoir si la gestion des ressources en eau doit impliquer leur inclusion dans les mécanismes de gouvernance internationale économique, tels que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA)

Pour certains, cette inclusion pourrait contribuer à la gestion rationnelle et durable de l’eau ; pour d’autres, l’idée de soumettre l’eau à des ententes commerciales équivaudrait à vendre cette ressource aux entreprises privées et d’en faire un objet de concurrence et ce, au détriment des États et de leurs populations.

Exemple de dérive possible : « Guerre de l’eau dans le Tarn » : Danone propriétaire de la marque d’eau Slaveta souhaitent réaliser des forages de l’eau souterraines : les agriculteurs craignent d’être privés de leur source

L’usine a le droit de puiser les eaux souterraines ?

Pourquoi les entreprises privées ont-elles le droit d’exploiter cette eau ? Cela ne va pas à l’encontre du statut d’eau en tant que bien commun ou bien public ?

Pourquoi l’Etat accepte que l’eau du domaine public soit privatisée?

Quelques éléments de réponse

• La gestion de l’eau doit être privatisée et non la ressource hydrique

Cependant :

Malgré la reconnaissance de la valeur économique de l’eau, la pratique démontre que l’aspect économique de cette ressource naturelle ne tend pas à prévaloir pas sur ses dimensions sociales, environnementales et culturelles.

En outre, en matière de transfert d’eau à grande échelle évoquée précédemment, les États se montrent plutôt réticents à considérer celle-ci en tant que marchandise à laquelle un prix pourrait être attribué.

L’ACCES A L’EAU DOIT ETRE ERIGE EN OBLIGATION POSITIVE DE L’ETAT : IL FAUT CONCILIER L’EFFICACITE ECONOMIQUE ET L’ETHIQUE

Cela renvoi à la résolution 2010 des Nations Unies :

« Demande aux États et aux organisations internationales d’apporter des ressources financières, de renforcer les capacités et de procéder à des transferts de technologies, grâce à l’aide et à la coopération internationales, en particulier en faveur des pays en développement, afin d’intensifier les efforts faits pour fournir une eau potable et des services d’assainissement qui soient accessibles et abordables pour tous. »

• Nécessité d’un droit-créance : On passe alors de la liberté d’accès à l’eau à un droit-créance revendiqué par les citoyens.

Article 210-1 du Code de l’environnement : aucune proposition de Loi visant la mise en œuvre effective du droit à l’eau n’a abouti.

 Liberté d’accéder aux services d’approvisionnement et droit-créance car comme les systèmes de gestion et d’approvisionnement sont gérés par des entreprises privés, la population doit pouvoir en bénéficier, sans limite et sans discrimination : on est alors à cheval sur une liberté et un droit-créance

La loi crée de multiples obligations pour les pouvoirs publics en matière de mise en œuvre d’un système juridique visant à protéger les ressources en eau.

Ils sont aussi tenus d’intervenir pour faciliter l’accès à l’eau potable et à milieu rural ne peut priver les usagers de cette source de l’eau qui leur est nécessaire dans de nombreux pays.

Service public universel de l’eau : quelle que soit la forme de gestion du service de l’eau (régie, affermage, concession) et le rôle des entreprises privées dans ce service, les pouvoirs publics sont tenus d’exercer un contrôle sur le service de l’eau et de fixer les obligations découlant de ce service public : application concrète du droit d’accès à l’eau.

Ils doivent examiner la qualité de l’eau, le degré d’assainissement, la continuité du service, la gestion en cas de pénurie, le contenu des cahiers des charges, la tarification, la participation des usagers et le financement des ouvrages, leur extension et leur réhabilitation. Ils peuvent aussi jouer un rôle utile pour informer les usagers et développer chez eux la volonté de ne pas gaspiller l’eau.

Quelques exemples d’obligations à la charge des États :
– amélioration de la disponibilité d’une eau potable de qualité
– protection des puits et sources d’eau potable ; – protection des zones de captage des réseaux ;
– prévention de l’épuisement de la ressource en eau potable ;

– protection de la qualité micro-biologique et chimique de l’eau distribuée ; – amélioration de la continuité du service ;
– extension des réseaux de distribution et d’assainissement ;
– installation de points d’eau publics, de puits et de fontaines publiques publics, de lavoirs publics et d’espaces d’hygiène et de santé gratuits
– robinets à fermeture automatique dans les lieux publics ; de bains/douches
– systèmes individuels d’approvisionnement en eau, de purification d’eau, de réutilisation et de recyclage d’eau ;
– distribution d’eau dans des réservoirs individuels et autres méthodes intermédiaires ;
– promotion de mesures peu coûteuses pour rendre l’eau plus salubre ;
– création et mise en place de nouvelles technologies d’approvisionnement et d’assainissement adaptées aux pays en développement ;
– recueil et usage de l’eau de pluie ;
– utilisation de systèmes d’assainissement individuel ou pour des groupements d’usagers ; – fourniture d’urgence et entraide en cas de pénurie ou de catastrophe ;
– alimentation de secours en cas d’impayés pour motif de pauvreté ;
– Réduction des pertes d’eau et du gaspillage
– surveillance, entretien et réparation des réseaux, réduction des fuites ; – lutte contre les branchements
– limiteur de débit pour éviter les coupures.
– réparation des fuites d’installations sanitaires défectueuses, particulièrement dans les logements à faible loyer ;
– installation d’économiseurs d’eau et d’appareils moins consommateurs d’eau ;
– information des consommateurs, sensibilisation au gaspillage et aux dépenses pour l’eau.
– meilleure gestion technique et économique des réseaux (lutte contre les fuites) ;

– Interdiction des prix excessifs de l’eau : éthique, égalité, ressource vitale

 

SYSTEMES PUBLICS OU PRIVES DE GESTION ET D’ASSAINISSEMENT DE L’EAU

• L’eau devient alors un service : cela est-il antinomique avec le droit international d’accès à l’eau ? NON si les États gère la ressource hydrique pour en permettre l’accès par tous.

La gestion de l’eau est constitutif d’un service public : service public de l’assainissement

• Le droit d’accès à l’eau devient alors un droit contractualisé mais est-ce antimonique avec le droit d’accès à l’eau en tant que droit de l’homme ?

 

 

Droit acces eau conférence zakine

CONCLUSION

Le droit international d’accès à l’eau en tant que droit de l’homme ne dépend-il pas du droit international de l’eau pour une meilleure coordination des territoires hydriques transfrontières ?

Quand bien même les Etats entre ou les Etat dans la gestion interne de leurs eaux en font un service ou bien un objet de marchandisation, il convient de mettre en place des solution éthiques et efficaces pour permettre un accès concret à l’eau et pour faire de ce droit international de l’homme, un droit effectif entrant dans la catégorie des droits indérogeables des droits de l’homme avec au sommet le droit à la dignité humaine.

Devoir de coopération internationale entre Etats
Devoir international de solidarité entre Etats

La conciliation entre les intérêts économiques et non économiques ne doit pas se faire au détriment de l’accès à l’eau, au nom des intérêts des industriels.
Cependant, compte tenu des changements climatiques et de la pénurie d’eau qui se profile, les industriels ne vont-ils pas s’emparer de cette question pour faire de l’eau une marchandise, soumise à la spéculation et ainsi aggraver la crise de l’eau ?

Le droit international de l’accès à l’eau pourra-t-il alors s’appliquer un jour concrètement ?

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