Sur la protection offerte par le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) par rapport à la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA)
Le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) et la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) sont deux régimes juridiques encadrant la construction de logements neufs en France. Si ces deux contrats visent à protéger les acquéreurs, le CCMI offre des garanties supplémentaires par rapport à la VEFA. Nous allons examiner en détail les spécificités du CCMI qui en font un contrat plus protecteur, en nous appuyant sur les textes législatifs et réglementaires ainsi que sur la doctrine juridique.
I. Des obligations renforcées pour le constructeur dans le cadre du CCMI
A. L’obligation de livrer une maison conforme aux stipulations contractuelles
L’article L. 231-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) dispose que le CCMI est « le contrat par lequel le constructeur s’engage envers le maître de l’ouvrage à construire un immeuble à usage d’habitation ou mixte sur un terrain appartenant à ce dernier ». Ce contrat doit être rédigé par écrit et comporter un certain nombre de mentions obligatoires listées à l’article L. 231-2 du CCH, notamment la désignation précise du terrain et des travaux à réaliser, ainsi que les caractéristiques techniques du bâtiment.
Le constructeur est tenu, en vertu de l’article 1604 du Code civil, de livrer un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles. La jurisprudence a précisé l’étendue de cette obligation de conformité : la Cour de cassation considère ainsi que l’acquéreur est en droit d’exiger une stricte conformité de la construction aux prévisions contractuelles (Cass. 3e civ., 11 mai 2011, n° 10-11.527). À défaut, le constructeur engage sa responsabilité contractuelle. Cette obligation de conformité est plus stricte dans le cadre du CCMI que pour la VEFA.
B. L’obligation de garantie de livraison
L’article L. 231-6 du CCH prévoit que le constructeur est tenu, dès la conclusion du contrat, de souscrire une garantie de livraison. Cette garantie, délivrée par un établissement financier, un établissement de crédit ou une entreprise d’assurance agréés à cet effet, a pour objet le remboursement des versements effectués en cas de défaillance du constructeur (faillite, liquidation, etc.).
La garantie de livraison constitue l’une des protections majeures du CCMI. Comme l’explique le Professeur Philippe Malinvaud, « cette garantie est une sûreté qui met le maître de l’ouvrage à l’abri des conséquences de la défaillance de son constructeur » (Droit de la construction, Dalloz Action, 2019, n° 473.340). Son caractère obligatoire et les conditions strictes entourant sa mise en œuvre en font un outil particulièrement efficace de protection des acquéreurs. Une telle garantie n’existe pas dans le cadre de la VEFA.
II. Des droits et garanties étendus pour l’acquéreur dans le CCMI
A. Le droit de rétractation
L’article L. 271-1 du CCH accorde à l’acquéreur non professionnel un délai de rétractation de 10 jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte. Pendant ce délai, aucun versement ne peut être exigé.
Ce droit de rétractation permet à l’acquéreur de revenir sur son engagement initial s’il le souhaite, sans avoir à justifier de motifs particuliers. Il s’agit d’une prérogative exorbitante du droit commun des contrats, qui témoigne de la volonté du législateur d’assurer une protection renforcée de l’acquéreur d’un logement sur plan. En effet, comme le souligne le Professeur Hugues Périnet-Marquet, « en raison de l’importance de l’engagement et du fait que la formation du contrat a souvent lieu sous l’emprise de techniques commerciales agressives », il convenait de permettre à l’acquéreur « d’exercer sa réflexion à tête reposée » (JCP N 1990, 101067). Ce droit de rétractation n’existe pas en matière de VEFA.
B. Les garanties de bon fonctionnement, de parfait achèvement et décennale
L’article L. 231-8 du CCH énonce que le constructeur est tenu à l’égard du maître de l’ouvrage aux garanties prévues aux articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du Code civil. Ces dispositions instaurent un régime de garanties légales pesant sur le constructeur :
- La garantie de bon fonctionnement (art. 1792-3) couvre les éléments d’équipement dissociables de la construction pendant une durée minimale de 2 ans à compter de la réception.
- La garantie de parfait achèvement (art. 1792-6) oblige l’entrepreneur à réparer tous les désordres signalés lors de la réception ou pendant l’année qui suit.
- La garantie décennale (art. 1792) impose au constructeur de réparer les dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, et ce pendant 10 ans à compter de la réception.
Ce triptype de garanties forme « un système complet et autonome de responsabilité » (Droit de la construction, Ellipses, 2e éd., 2018, p.132). Son application au CCMI assure une couverture très large des désordres susceptibles d’affecter la construction. L’acquéreur en VEFA bénéficie également de ces garanties, mais le CCMI va plus loin.
C. La garantie de remboursement et la garantie de livraison à prix et délais convenus
L’article L. 231-4 du CCH énonce qu’avant la conclusion du contrat, le constructeur doit souscrire une garantie de remboursement pour les sommes versées avant l’ouverture du chantier. L’article L. 231-6 prévoit quant à lui la souscription obligatoire d’une garantie de livraison à prix et délais convenus.
Grâce à ce double mécanisme, l’acquéreur est assuré soit d’être remboursé des sommes avancées si le chantier ne démarre pas, soit d’obtenir la livraison de sa maison au prix et dans les délais prévus, éventuellement aux frais du garant. Comme l’explique le Professeur Olivier Tournafond, ce dispositif de garanties financières et d’achèvement propres au CCMI « tend à mettre le maître d’ouvrage dans une situation de protection maximale et lui permet de disposer d’un logement correspondant exactement à ses prévisions » (RDI 2007, p.8). De telles garanties n’existent pas en matière de VEFA.
Au terme de cette analyse, il apparaît que le contrat de construction de maison individuelle offre une protection juridique renforcée à l’acquéreur par rapport à la vente en état futur d’achèvement. Les obligations spécifiques pesant sur le constructeur, notamment en termes de conformité et de garantie de livraison, conjuguées aux droits et garanties étendus reconnus au maître d’ouvrage, forment un régime complet et cohérent assurant la sécurité de l’opération, sur les plans tant technique que financier. Même si le formalisme du CCMI est plus lourd que celui de la VEFA, il constitue à bien des égards un contrat plus équilibré et protecteur des intérêts de l’accédant à la propriété. Face à un investissement aussi important que l’acquisition d’un logement neuf, ces garanties supplémentaires apparaissent pleinement justifiées.